Philippe Ségéral

L'horizon bascule, la Terre est ronde et ma tête à l'envers. Le ciel, la mer, pareils au fond. Bouillonnements et embrassées de temps. Tout change-t-il vraiment ici ?
Il y a très longtemps, un homme, exilé de lui-même et de sa terre, se souvient, les vivant, d'histoires plus anciennes encore que lui.
Les yeux fermés, il écoute le monde tout puissant. Il voit les hauts vents et leurs tempêtes d'avant toutes choses, gronder et tonner, immobile.
Le feu au ventre, la Terre s'élance.
La mer se déverse, le ciel cogne. La forêt attend. Des hommes engloutis crient.
Il rêve le spectacle du monde. Il lui invente son histoire. Le monde s'apaise sous son regard ouvert.
Et à son tour le monde se souvient, de ces bouches avides de vie, de ces corps perdus errant. A la question sans réponse, il trouve un sens, l'homme qui raconte.
Ni Dieu ni fable, il est le seul. Le témoin, le garant, c'est lui.
Il appartient à tant d'espoirs et de défaites. Sa consolation, l'émerveillement persistant. Les lèvres arides, il connaît pourtant de ces vers qui parlent d'arbres et de feuilles gonflées d'eau et d'alizé. La beauté le dompte et c'est sa force.
De la courbe du temps, il se relève, entre son père et son fils, et nu continue son chant, parmi les dieux et ses frères.