Philippe Ségéral

Catalogue Les origine (2000)

Catalogue de l'exposition Les origines, Centre Culturel Jean-Pierre-Fabrègue, Saint-Yrieix-la-Perche 04.02-12.03.2000.
12 pp., 18 x 22,5 cm, 7 ill.
Texte de Richard Millet.


Qu'y a-t-il au-delà de ces monts, de ces forêts, de ces mers ? Quel autre côté qui ne se révèle le même ? Quel paysage qui soit pays de reconnaissance ? Nous sommes, ici, dans la lumière de l'origine. L'océan, la montagne, les grands bois, c'est ce qui a toujours été là, monumentalité hors territoire, primitive, énigmatique, devant nos yeux de tout petits hommes, avec la peur, le tremblement, les bouches entrouvertes sur l'absence de mots qui conjureraient l'effroi. On cherche alors des noms propres, des formules d'exorcisme, des prières : on ne se trouve qu'un chantonnement où roulent les mots de la peur, de la terre, du froid. Face à ces frondaisons qui gardent trace de boursouflures premières, face à ces flots labourés par la fuite des dieux, à ces masses où remue l'indécise partition du jour et de la nuit, à ces étendues sur lesquelles le givre guette tout visage, nulle île à regagner, nul plateau déserté, cité abandonnée, apaisant humanisme, mais l'enfantine vertu d'être là, malgré tout, debout, l'œil ouvert, rassemblant toutes forces comme autant d'ailes d'or. J'ai été cet enfant - celui qui, littéralement, ne parle pas et dont Philippe Ségéral a gardé l'incomparable ouverture du regard. Comme lui, je suis l'enfant de la vaste nuit limousine, des hivers sans fin, des forêts profondes, de la lande déserte, de la brande glaciale, des lacs trop calmes pour n'être pas en travail de tempête, des gorges de la Vézère d'avant Lascaux et qui ont quelque chose de l'entrée des Enfers. Oui, un enfant solitaire et frémissant devant le mystère des voix élémentaires qui l'aident à traverser sa peur en attendant le verbe qui nomme le monde, les choses, les gestes, les visages, ce qui déjà se dérobe comme ce qui advient infiniment au visible.

Richard Millet, novembre 1999.



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